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Michel Serres, « Le contrat naturel » : De la nature du droit aux droits de la nature

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L’existence de l’organisation politique humaine présuppose nécessairement (même si nous en avons perdu la mémoire) l’adhésion réelle et entière des individus à un socle fondamental de valeurs garantissant l’entente minimale à partir de laquelle une société peut advenir et être viable. Cette origine mythique (mythique puisqu’elle donne naissance au sujet de l’histoire, entendez la société humaine) du social, nous l’appelons : le contrat social. « Le contrat naturel », tel que Michel Serres s’en fait le chantre, n’invalide pas le contrat social, il vient, au sens hégélien du terme, le « relever ». Le relever, c’est à dire, montrer la limite du contrat social, insister sur la nécessité de le dépasser sans le récuser mais en intégrant au contraire le paradigme dudit contrat. Ce paradigme quel est-il ? C’est celui du droit, de la justice. Car nous vivons aujourd’hui dans un autre monde que celui de l’époque dite moderne où fut pensé, sous différentes modalités, le concept de contrat social. S’il était juste et nécessaire, pour que, sur le grand paquebot de l’évolution, l’humanité pusse se poster à la proue de l’histoire, de donner à chaque homme la même dignité politique en lui accordant, quelles que soient son origine et ses déterminations, les mêmes droits qu’à n’importe quel autre, il est urgent aujourd’hui, si l’on ne veut pas vivre dans l’injustice, de faire entrer dans le pacte cet acteur singulier qui, « curieusement » dit Michel Serres, était jusqu’à présent absent de notre existence étique : la nature. Certes, la nature nous l’avons toujours pris en compte puisque nous évoluons en son sein, mais jamais comme « sujet » et encore moins comme « sujet de droit ». Certes la science, et particulièrement la science physique a permis de comprendre l’unité de la nature, mais jusqu’à très récemment nous ne considérions cette dernière qu’objectivement et n’avions d’autres buts que celui, cartésien, de la dominer. Or, nous savons aujourd’hui, dans le contexte historique qui est le notre, qu’il est aussi vain, mais infiniment dangereux, de vouloir maîtriser la terre que de vouloir maîtriser un homme. Si l’homme a vitalement besoin de la « stabilité » de la terre, la terre a besoin de la sagesse de l’homme. C’est pourquoi il est urgent et nécessaire, aujourd’hui que l’homme « voit » la terre et prend conscience de la nature et que la nature, réfléchie dans la conscience de l’homme, s’apparaît à elle même, il est urgent que l’humanité contracte avec la terre en inventant pour elle, à l’instar du contrat social, un contrat naturel où justice sera faite à la nature désormais comptable d’une déclaration universelle de droits de la nature.

Hervé Bonnet

Michel Serres, Le contrat naturel, éd. Flammarion, 7, 79 euros.


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